Sur cette route poussiéreuse, il ne passait personne Que faisait-elle plantée là, dans la station, tout là-bas? À quoi ça sert, dites-moi, de vendre de l'essence Quand il n'y a plus rien ensuite Qu'une falaise de granit? Elle, elle s'en foutait bien La fille en salopette S'étiolait là, oubliée là Pour attendre quoi? Servir des gens qui ne viendraient plus jamais jusque-là Vendredi 13, il était tard, le temps était lourd Elle s'endormait à moitié Le bruit la fit sursauter Le tonnerre du semi-remorque Fit trembler les murs de la station décrépie Et puis le silence se fit Elle avança doucement vers la cabine bleue D'où sortit un grand gaillard Comme dans les histoires, comme par hasard Ses jambes la lâchaient, tellement elle tremblait Pourtant un jour, ça devait arriver Mais elle, elle croyait rêver Et la vie comme une toupie se mit à tourner De plus en plus vite S'emballer, s'affoler C'était lui, mais ça aurait pu être n'importe qui Vendredi 13, il était tard, le temps était lourd Ils n'ont même pas dit un mot Mais son souffle était si chaud sur son corps Solitaire, depuis combien de temps déjà? Elle fixait la lune blanche en s'accrochant à ses hanches Quand le jour se leva sur la station-service Ils étaient encore soudés à même le sol tout huilé Elle lui fit un café avec des gestes gauches Il but et dit merci d'un signe qui disait "salut" aussi ♪ Vendredi 13, il était tard, le temps était lourd Mais tout ça c'était hier, une impression passagère Elle refit sa coiffure tant bien que mal Mais sa tête bourdonnait Elle revoyait ce vendredi 13 Dans son souvenir, l'homme n'avait plus de visage Mais ses mains, comme un message Lui disaient qu'elle était belle, qu'elle ne serait plus jamais seule Et en souriant elle se dit qu'en ce joli samedi Elle quitterait le pays