Connaissez-vous l'histoire
De Mamie les cheveux mauves
Et de son pote Oscar
Un peu sourd et tout chauve?
Elle puait la violette
Il sentait le tabac
Forcément c'était chouette
Et comme il fallait pas
La la la
Des crétins décrétèrent
Qu'après le troisième âge
On a la grippe aviaire
La peste ou bien la rage
Et que c'est un scandale
De tomber amoureux
Quand on a, au total
Cent-cinquante ans à deux
Mais rien ne manque et tout est là
Tes clés, ton sac et puis ton chat
Pourtant
Non, non
Non, il manque le temps
De la corde à sauter
Puis le bruit de la craie
Sur le tableau mouillé
Le respect
L'école communale
Les hommes à la belote
La gueule du maréchal
Et puis le bruit des bottes
Et l'odeur des vacances
On joue à la marelle?
La robe du dimanche
Une orange à Noël
Oh oui, mamie, la vie est belle
Alors t'achètes un bouquet d'roses
Quand tes gamins viennent t'écouter
Mais t'aimerais bien donner aut' chose
Que des nouvelles de ta santé
Mais rien ne manque, tout est là
Tes clés, ton sac et puis ton chat
Pourtant
Oh dis, mamie, c'était comment?
Le cochon qu'on égorge
Et la messe en latin
Ton premier soutien-gorge
Et puis l'odeur du foin
La la la
C'était pas la misère
C'était juste l'urgence
Un peu, beaucoup la guerre
Et surtout ton enfance
À l'heure ou l'avenir
Était sous le soleil
Et déjà ton sourire
Une petite merveille
Oh non, c'est pas demain, la vieille
Qu'les enfoirés qui t'aiment tant
Vont te ranger de ton vivant
Au fond d'une maison d'retraite
Pour y vieillir la bouche ouverte
Et rien ne manque et tout est là
Tes clés, ton sac et puis ton chat
Pourtant
Non, non
Non, il manque le temps
De ton premier amour
Et ce goût de printemps
Qu'avait le petit jour
À présent
Quand t'y penses aujourd'hui
Tu faisais pas la fière
Dans les bras d'un grand lit
Trop baigné de lumière
Et touchée en plein coeur
D'un coup de bal musette
T'as trouvé le bonheur
Et t'as perdu la tête
Mais rien ne manque, tout est là
Tes clés, ton sac et puis ton chat
Pourtant
Oh dis, Mamie, c'était comment?
Le goût des cafés-crème
Et le parfum des rues
Les chansons, les poèmes
Ce type qui t'a plu
La la la
Quand il faisait le monde
Et beaucoup trop de phrases
Quand tu faisais ta blonde
Au fond des boîtes à jazz
Au temps des cigarettes
Qu'on fumait pas dehors
Et que tous les copains
N'étaient pas déjà morts
Oh oui, Mamie veut croire encore
Au père Noël, au prix du pain
À l'orthographe et aux fleuristes
Aux belles amours qui finissent bien
Et même au parti communiste
Et rien ne manque, et tout est là
Tes clefs, ton sac et puis ton chat
Pourtant
Non, non
Non, il manque le temps
De vivre encore un peu
Et de foutre le camp
Pis de faire des envieux
Vous, les vieux
Des crétins décrétèrent
Qu'après le troisième âge
On éteint la lumière
Allez, pars en voyage
Allez vite, il est tard
Il faut pas réfléchir
T'as plus trop de mémoire
Et tant de souvenirs
Oh oui, Mamie, tu peux partir
Autour du monde et dans les bras
D'un galopin aux cheveux blancs
Manger la vie avec les doigts
Et boire cul-sec un océan
Car rien ne manque de là-bas
Tes clefs, ton sac et puis ton chat
Non, rien ne manque de là-bas
Tes clefs, ton sac et puis ton chat
Tu les r'verras, va
C'est juste un petit peu
De sûrement pas grand-chose
Connaissez-vous l'histoire
De Mamie les cheveux mauves?
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