Dans la nuit,
Quand la fatigue endort
Les tours et les palaces,
Moi, j'épie
En secret les yeux d'or
Des façades d'en face.
J'affabule, je rêve, j'invente des vies,
Je bâtis des romans que je brode à l'envie,
Enviant
Ces drames qui se trament et terribles ou cocasses,
Face à mes jours trop fades, étincellent d'un strass
Envoûtant.
Qu'ils cillent, qu'ils clignotent,
Se voilent, papillotent
Ou s'éteignent, j'adore
Espionner les yeux d'or.
Moi, j'épie
En secret les yeux d'or
Des façades d'en face.
J'envahis
Les intimes décors
Sans y laisser de trace.
Je sais tout, je vois tout, tous les faits, tous les gestes
Et, quand le rideau tombe, j'imagine le reste,
Si tentant
Que je ris, je frémis, je brûle de belles fièvres,
Éperdue de désir en rêvant à des lèvres
S'unissant
Qu'ils me fassent rougir,
Qu'ils me fassent gémir
Ou soupirer. J'adore
Espionner les yeux d'or.
J'envahis
Les intimes décors
Sans y laisser de trace
Et, tandis
Que le monde m'ignore,
Moi, je sais ses menaces.
A l'heure des bas instincts, des incestes et des crimes,
Je vois l'instant précis des destins dans l'abîme
Basculant,
Le couteau qui se lève, le poing qui se dresse,
La corde pour se pendre, l'enfant dans la détresse,
Impuissant
Que j'ai peur à mourir
Et jusqu'à m'en salir,
Qu'importe: moi, j'adore
Espionner les yeux d'or.
Et tandis
Que le monde m'ignore,
Moi, je sais ses menaces.
Dans la nuit,
Quand la fatigue endort
Les tours et les palaces,
A l'affût, immobile derrière mon oeil d'or,
Sentinelle veillant sur un sombre trésor,
Redoutant
Qu'en relevant la tête, on croise mon regard,
Que l'on ouvre ma porte, qu'une voix dans le noir,
En riant,
Dise aussi: "Moi, j'adore
Espionner les yeux d'or!"
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