Un brave ogre des bois, natif de Moscovie Était fort amoureux d'une fée, et l'envie Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut Au point de rendre fou ce pauvre coeur tout brut L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue Se présente au palais de la fée, et salue Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky La fée avait un fils, on ne sait pas de qui Elle était, ce jour-là, sortie, et quant au mioche Bel enfant blond, nourri de crème et de brioche Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso Il était sous la porte, et jouait au cerceau On laissa l'ogre et lui, tout seuls dans l'antichambre Comment passer le temps quand il neige, en décembre Et quand on n'a personne avec qui dire un mot? L'ogre se mit alors à croquer le marmot C'est très simple, pourtant c'est aller un peu vite Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite Que de gober ainsi les mioches du prochain Le bâillement d'un ogre est frère de la faim Quand la dame rentra, plus d'enfant, on s'informe La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme "As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai?" Le bon ogre naïf lui dit "Je l'ai mangé" Or, c'était maladroit, vous qui cherchez à plaire Ne mangez pas l'enfant dont vous aimez la mère