Au quartier, l'était plus connu que le loup blanc À promener ses cuites depuis les anciens temps Le petit père Latreille, véritable alcoolique Comme on n'en voit plus guère qu'au nord des Amériques Il était toujours à quatre pattes de chez lui Ne buvait jamais plus de quatre litres et d'mi Pour activer ses reins, comme il était subtil Il prenait au coucher deux cachets d'aspirine En 82 ans, il n'avait dépassé Qu'à peine le pont des Arts, Belleville et la Râpée Il aurait vécu jusqu'à cent ans, ça c'est sûr Sans ce docteur qui lui ordonna une cure Je vous demande un peu pourquoi, diable, il le fit Courir en plein juillet vers les eaux de Vichy Lui qui n'était jamais sorti de son Paris Ni bu d'eau, ni jamais découché de son lit À peine hors de banlieue, le bon air lui fit mal Devant les herbes bleues, son teint devint tout pâle Et voyant une vache, son coeur ne fit qu'un bond Il haïssait le lait, déjà tout nourrisson Lui qui vivait si bien en mauvaise santé Et dans ses quatre litres et d'mi se conservait Est-ce la pure campagne, est-ce le trop bon air Ou les eaux de Vichy qui l'ont foutu par terre? Il a cassé sa pipe après l'premier verre d'eau Le choc était trop fort, il a dit "Les salauds" Le petit père Latreille a glissé sur le dos Et il s'est endormi pour son dernier dodo L'est tombé dans l'bassin devant tous les curistes Avec une grimace effroyablement triste Ses anges croque-morts, fidèles et joyeux L'emmenèrent vite au ciel, le remonter un peu À peine le père Latreille fut-il au paradis Que dans tous les bistrots, on ne vit plus que lui Volant d'un verre à l'autre et lorgnant des déesses Entre deux vins des dieux, entre deux vins de messe