E ne pense pas entrer dans l'Histoire Comme sauveur de l'humanité Bien drapé dans mon tablier J'ai pas de prétention à la gloire Je boulotte et je fais pas de folies Vu que ma tâche elle est définie Aussi droitement qu'un fil à plomb En deux mots, pour gagner ma vie Je tue le cochon Sûr, si j'étais pépiniériste Ça ferait bien plus sentimental Et je débiterais sur mon étal Des chrysanthèmes ou des narcisses Des œillets pour les boutonnières Des lilas blancs, des roses trémières Mais à chacun sa vocation Puisque la mienne est charcutière Je tue le cochon Ça n'est pas que je méprise la bête Je tuerais pas une puce sur un chien Mais à l'idée de faire du boudin J'en ai le sang qui monte à la tête D'ailleurs, je serais pas dans mon assiette Si le matin, après une omelette Du petit salé et un litron Je descendais pas dans ma courette Tuer le cochon De charcutier en charcutière De charcutier en charcutier Depuis Napoléon premier La famille a été prospère On n'a jamais eu d'inquiétude Pour les certificats d'études Parce que, pour nous, de l'instruction C'est uniquement des aptitudes En cochon Le charcutier est humanitaire C'est autre chose qu'un toréador Il a pas besoin d'habits en or De brillant, de musique et de lumière Et ça ferait marrer la famille Si des tas de pépées en mantille Me balançaient des chapeaux ronds Quand, aussi rapide qu'une torpille Je tue le cochon Mon rêve, c'est parer la boutique Le jour de la fête du pays Quand, les narines pleines de persil Ma bête a le prix honorifique Là, l'artiste a sa récompense Et mon bonheur devient immense Quand le soir, ma femme sur l'édredon Dit en se rappelant nos espérances "Oh, quel cochon!"