Ma grand-mère qu'était de Clamecy Elle a clamsé dans son p'tit lit À l'hôpital de Montargis Elle est partie rejoindre son homme Celui qu'elle appelait son chéri Un matin d' cet hiver pourri {} Ma grand-mère qu'était de Clamecy C'était une qui chantait tout l' temps Au temps d' son jeune temps à vingt ans Faut dire qu'elle était couturière Et qu' dans les ateliers d' misère On se s'rait cru dans une volière {} Dans les quartiers des ateliers Des ateliers de couturières Fallait voir comme la dernière Était sapée comme une rentière On sait pas comment qu'elles faisaient Pour être mises comme des princesses {} Quand ça sortait des ateliers Après dix, onze heures de travail Les rues s'emplissaient de beautés Les chapeautières, les culottières Les grisettes et les trottins Les petites mains et les premières {} Sous leurs belles robes et leurs faux-culs Sous leurs jabots, leurs redingotes Sous leurs chignons comme des châteaux Sous leurs froufrous à quatre sous Y avait leur chair de jeunesse Déjà marquée par la galère {} L'élégance de la ville-lumière C'est pas les riches qui l'ont faite D'ailleurs, les riches, c'est bien connu Ça s'amène avec son pognon D'un geste rond, ça sort ses ronds Ça paie la sueur et les douze heures {} Douze heures par jour, six jours de rang Les fesses talées, les reins brisés La poitrine creuse, les doigts piqués Les yeux rougis, et ça chantait Ça chantait des chansons joyeuses D'avenir radieux, d'amour toujours {} Les p'tites nonottes de ce temps-là Elle tenaient très haut à bout d' bras Une sorte de fierté orgueilleuse C'était mieux qu' de chercher l'oubli Après des journées pas fameuses Dans des verres d'absinthe ou d'anis {} Pour ma grand-mère qu'était d' Clamecy Qui vient d' clamser dans son p'tit lit Pour elle qu'a chanté toute sa vie En guise d'au revoir et merci Cette chansonnette je dédie Un jour de cet hiver pourri {}