De l'établi où je turbine J'aperçois la fille du patron qui traverse la cour de l'usine Le ciel joue de l'accordéon et mon ami Juan le lunaire Qu'on appelle Jeannot l'espingo Me dit "c'est une belle héritière, tu devrais lui faire danser l'tango" Tu vois Jeanine, tout va bien Je te réécrirai demain Son bled à lui, c'est l'Argentine Il trouve qu'il y pleut moins qu'ici Il mange du piment, des sardines Et il préfère le pain rassi Il prétend que le vent des îles Mêlé aux parfums des marées Donne un goût aux lèvres des filles Qu'à nul autre on peut comparer Tu vois, Jeanine, tout va bien Je te réécrirai demain De Santa Cruz à Maldonado Il paraît que c'est beau à chialer Et la vallée du Colorado Est remplie de belles à marier On dit que les femmes adultères Sont celles qui ont les plus beaux-fils Et chaque fois qu'un homme crache par terre Qu'il y pousse un pied de maïs Tu vois Jeanine, tout va bien Je te réécrirai demain Dans tous les bistros de Corrientes On boit du rhum et du pisco Y a l'dimanche des filles à la messe Qu'on peut avoir pour dix pesos Ici le chef me donne ma chance Il parle de me faire augmenter Et si j'ai toujours ta confiance Je pourrai venir t'épouser Tu vois, Jeanine, tout va bien Je te réécrirai demain Demain, je dormirai pépère C'est la fête des trépassés Parce qu'ils sont allés à la guerre Et que leur pays a gagné Mon atelier sent le salpêtre Mais je ne suis pas maltraité Écris-moi au moins une lettre La sirène vient de sonner Tu vois, Jeanine, tout va bien Je te réécrirai demain