J'admirais autrefois les splendides vainqueurs Vers qui monte la flamme extatique des cœurs Mais je n'aime aujourd'hui que les vaincues très calmes Dont le sang fier ternit la verdure des palmes Moi qui compte à pas lents le chemin du retour J'aimais hier la gloire évidente du jour Mais je sers aujourd'hui la nuit, ma souveraine Qui seule inspire une âme orgueilleuse et sereine Parmi le peuple, hier encor je contemplais D'un regard ébahi le fronton des palais Je n'aime maintenant que les grandes ruines Où tardent, en pleurant, les présences divines Je me tais, je m'enfuis et d'un geste lassé Je drape sur mon cœur la pourpre du passé Qu'un hasard guide enfin mon désespoir tranquille Vers l'eau d'une oasis ou les berges d'une île Où je puisse dormir, mon voyage accompli Dans la sécurité profonde de l'oubli