Elle fréquentait la rue Pigalle. Elle sentait le vice à bon marché. Elle était toute noir de péchés avec Un pauvre visage tout pâle. Pourtant, il y avait dans le fond de ses yeux Quelque chose de miraculeux qui semblait mettre Un peu de ciel bleu dans celui tout sale de Pigale. Il lui avait dit "vous êtes belle" Mais d'habitude, dans ce quartier-là, On dit jamais le choses comme ça aux filles Qui font le même métier qu'elle. Et, comme elle voulait se confesser, Il la couvrait toute de baisers En lui disant "laisse ton passé, Moi je vois qu'une chose, c'est que tu es belle." Il y a des images qui vous tracassent Et quand elle sortait avec lui, Depuis Barbès jusqu'à Clichy Son passé lui faisait la grimase. Et sur les trottoirs plein de souvenirs, Elle voyait son amour flétrir Alors elle lui demanda de partir. Et il l'emmena vers Montparnasse. Elle croyait recommencer sa vie, Mais c'est lui qui se mit à changer. Il la regardait tout étonné disant "Je te croyais plus jolie. Ici, le jour t'éclare de trop, On voit tes vices à fleur de peau... Vaudrait peut-être mieux que tu retournes Là-haut et qu'on reprenne chacun sa vie." Elle est retournée dans son Pigalle, Y a plus personne pour la repêcher. Elle a retrouvé tous ses péchés, Ses coins d'ombre et ses trottoirs sales. Et quand elle voit des amoureux Qui remontent la rue d'un air joyeux, Il y a des larmes dans ses grands yeux bleus Qui coulent le long de ses joues toutes pâles.