Dans une rue, au coeur d'une ville de rêve Ce sera comme quand on a déjà vécu Un instant à la fois très vague et très aigu Oh, ce soleil parmi la brume qui se lève Oh, ce cri sur la mer, cette voix dans les bois Ce sera comme quand on ignore des causes Un lent réveil après bien des métempsycoses Les choses seront plus les mêmes qu'autrefois Dans cette rue, au coeur de la ville magique Où des orgues moudront des gigues dans les soirs Où les cafés auront des chats sur les dressoirs Et que traverseront des bandes de musique Ce sera si fatal qu'on en croira mourir Des larmes ruisselant, douces, le long des joues Des rires sanglotés dans le fracas des roues Des invocations à la mort de venir Des mots anciens comme un bouquet de fleurs fanées Les bruits aigres des bals publics arriveront Et des veuves, avec du cuivre après leur front Paysannes, fendront la foule des traînées Qui flânent là, causant avec d'affreux moutards Et des vieux sans sourcils, fumeurs de gros cigares Cependant qu'à deux pas, dans des senteurs de gare Quelque fête publique enverra des pétards Ce sera comme quand on rêve et qu'on s'éveille Et que l'on se rendort et que l'on rêve encore De la même féerie et du même décor L'été, dans l'herbe, au bruit moiré d'un vol d'abeille Des mots anciens comme un bouquet de fleurs fanées