Perdu dans une ville Que nul ne connaît Dans une rue bien tranquille Un soir sans intérêt Un homme en costume gris Un peu trop grand pour lui Observe les gouttes De son parapluie C'est un homme comme ceux Qui servent au cinéma De figurants son nom Qu'on ne remarque pas Y'a rien qui dépasse Qui cloche ou qui attire Les yeux et le cœur froid D'un humain de cire Une vaine obsession De chiffres et de lois D'absolue perfection Cadré, réglé, fixé Un cheval de bois Il y a des routines Qu'il ne faut pas briser Pour ceux qui se résignent A des vies sans danger Il y a des personnes Qui s'accommodent bien De leur vie monotone De leur calme chemin Mais ce soir banal A failli tout changer Par un hasard brutal Un orage égaré Qui s'est mis à gronder Dans une pluie épaisse L'homme s'est agrippé A son attaché-case Serrant contre lui Ses dossiers bien triés Ses rêves bien rangés Dans un éclair, le vent A tout balayé La pluie gronde dans le noir Il voudrait s'abriter Mais il court sans rien voir Comme un fou hébété Sa chemise colle sur sa chair Ses dossiers prennent l'eau Sa cravate ridicule Décolore sur sa peau A bout de tout son souffle A lui tourner la tête Imbibé ruisselant Dépité il s'arrête Alors il s'avance Au milieu de l'allée Hypnotisé par Une impossible idée Une idée trop absurde Qu'il chasse vite de sa tête Mais qui grandit, qui hurle Et il saute dans une flaque Éclabousse en riant En envoyant valser Les lois de son enfance Et le voilà qui danse Il est seul, il s'en fout Et il rit et il chante Et il crie et il tourne Et il tourne et il tourne Et il gueule, personne N'entendra ses cris Sous l'orage qui tonne Woho, lalala Et y'a tout qui éclate Et il venge enfiévré Tous les bonheurs d'enfants Tout c'qu'on lui a volé Manger avec les doigts Traîner en pyjama Se balader pieds-nu Rire pour n'importe quoi Tous ces pauvres interdits Qu'il n'a jamais franchis Crier comme un fou Danser sous la pluie Woho – Lalala Tout juste réveillé Deux tartines et un bol Il noie dans son café Un rêve qui somnole Son attaché-case Le fixe depuis l'entrée Le narguant d'être sec La preuve qu'il a rêvé Il l'attrape par le cuir D'un chagrin inaudible Et sort en enfilant Un visage impassible Dehors aucun vent Aucune ombre de la veille Son rêve meurt en dedans Ses chiffres se réveillent Il arrive en tremblant Dans la rue du crime Il voit une flaque S'arrête, Sourit Soupire Et repart