J'aimais tellement la campagne Que j'y voulais vivre en rêvant Dans le confort qui accompagne Ses champêtres amusements Mon père n'eut pas la largesse De m'offrir un manoir aux champs Mon époux n'eut pas la sagesse De m'en faire un jour le présent L'idée de l'arsenic me vint Tout en jouant du clavecin J'aime les moutons dans la prairie J'aime les moutons enrubannés J'aime les moutons quand ils sourient Si sensibles sont les Brinvilliers Pour m'offrir mon rêve bucolique J'empoisonnai mes petits fours Mon époux en eut la colique Puis mon père l'eut à son tour À cause d'un certain droit d'aînesse Mon frère héritait aussitôt Poursuivant mon but sans faiblesse Je lui fis présent d'un gâteau Il eut la plus douce des fins En écoutant mon clavecin J'aime les moutons dans la prairie J'aime les moutons enrubannés J'aime les moutons quand ils sourient Si sensibles sont les Brinvilliers Maintenant chacun me condamne Et l'on me veut décapiter Pour les dernières frangipanes Qu'à mes neveux j'avais données Je ne comprends pas notre époque Moi, Marquise de Brinvilliers Me blâmer pour une bicoque Un caprice sans gravité Et le bourreau vient me chercher En fredonnant ce grand succès J'aime les moutons dans la prairie J'aime les moutons enrubannés J'aime les moutons quand ils sourient Si sensibles sont les Brinvi...