Je dirai le visage de ce pays qui dort Entre le lac tranquille et les montagnes bleues Je dirai les blés murs et les avoines d'or Et les chemins couchés près des talus poudreux Je dirai le ciel pur, le vol des hirondelles Et les près qui reposent aux hanches des vallons Je dirai le ruisseau, coulant sous le tunnel Des arbres, penchés sur son lit de sable blond Je dirai les sentiers qui courent en forêt Les fleurs pâles qui s'ouvrent dans des ronds de lumière La mousse humide et sombre, et les étangs secrets Cachés dans les roseaux à l'orée des clairières Je dirai les villages aux fermes grasses et blanches Les larges toits de tuiles, et les greniers repus Je dirai les fenêtres ombragées par les branches Des tilleuls familiers aux troncs gris et trapus Je dirai le granit usé des bassins ronds Et l'eau claire qui chante aux goulots des fontaines Je dirai les rues propres, où dorment les perrons Et les chiens paresseux, qui respirent à peine Je dirai les vergers accroupis près des granges Le soleil arrêté au-dessus des jardins Je dirai les pressoirs attendant la vendange Et les remises où vole la poussière du foin Je dirai l'ouvrier qui part au matin blanc Et sa première pipe, la gare qui s'éveille Je dirai le collège, et les cris des enfants Et la cloche qui sonne, et le bruit des abeilles Je dirai ces gens-là, qui parlent peu, et lourd Et les vieux, sur leurs bancs, caressés par l'été Je dirai les souliers, qui rentrent des labours Les femmes préparant, pour demain, le marché Je dirai le troupeau qui bouge dans l'étable Et la cuisine fraîche quand tombe le soir d'or Le repas qu'on prend autour de la grande table Je dirai le visage du pays qui s'endort