LES GOÉLANDS (Lucien Boyer) Les marins qui meurent en mer Et que l'on jette au gouffre amer Comme une pierre, Avec les chrétiens refroidis Ne s'en vont pas au paradis Trouver Saint Pierre! Ils roulent d'écueil en écueil Dans l'épouvantable cercueil Du sac de toile. Mais fidèle, après le trépas, Leur âme ne s'envole pas Dans une étoile. Désormais vouée aux sanglots Par ce nouveau crime des flots Qui tant la navre, Entre la foudre et l'océan Elle appelle dans le néant Le cher cadavre. Et nul n'a pitié de son sort Que la mouette au large essor Qui, d'un coup d'aile, Contre son cœur tout frémissant, Attire et recueille en passant L'âme fidèle. L'âme et l'oiseau ne font plus qu'un. Ils cherchent le corps du défunt Loin du rivage, Et c'est pourquoi, sous le ciel noir, L'oiseau jette avec désespoir Son cri sauvage. Ne tuez pas le goéland Qui plane sur le flot hurlant Ou qui l'effleure, Car c'est l'âme d'un matelot Qui plane au-dessus d'un tombeau Et pleure... pleure!