On dit qu'la forêt c'est l'poumon d'la terre en pleine ablation On se coupe le souffle, qu'elle souffre ou non d'un cancer On coupe sans ration On se coupe la respiration, un oeil sur nos affaires Avis au ministère, quand y a pu d'air c'est sans vocation La forêt, comme la ville, compte un peuple à protéger Mais comme un arbre ne peut siéger On donne la parole au DG Si on pensait aux animaux, ceux qui se font ravir leur demeure J'parle pas d'ceux assis au bureau Pour qui ça devient leur pain, leur beurre Si l'homme était l'arbre et qu'on lui sciait les chevilles S'il tombait en pleine face et qu'on le découpait en billes Si on lui arrachait la peau, comme on arrache une écorce Si à l'aide d'un canif, on lui grave un nom sur le torse Si on lui cassait les bras, comme on ose casser ses branches Si on le couchait sur le plat et qu'on en faisait des planches Et si on le vidait de son sang, comme on le vide de sa sève Pour le replanter en rang, comme un enfant qu'on élève Si on l'empêchait de grandir en détruisant ses racines Si on l'empêchait de se couvrir et qu'on le recouvrait d'acide Si faut lui prendre son boulot / bouleau Le priver d'son pain / pin pour qu'on lui fasse comprendre L'attacher aux chaînes / chênes Qu'on le traîne par terre pour qu'enfin l'homme tremble Si l'homme était l'arbre et qu'il devait porter les feuilles Un oeil sur le portefeuille à compter les deuils S'il voyait son entourage se faire abattre à tour de rôle S'il comprenait la rage qui fait pas juste pleurer les saules Si devant les couleurs de l'automne Faisant face à la vérité Si, comme les feuilles, rougissait, l'homme Menaçant la continuité Si l'homme était fait en bois, serait-il plus sensible aux arbres? Se sentirait-il plus responsable des coupes à blanc, s'il est coupable? Couché sous l'arbre, l'avenir est sombre Les arbres s'effondrent, la forêt tombe À force de tondre, les terres s'inondent J'vois les décombres sortir de l'ombre Qu'on prenne de l'arbre ce qu'on doit prendre Qui peut comprendre c'qu'il peut t'apprendre Se tenir debout, se serrer les coudes Affronter tout jusqu'à la foudre Qu'il soit feuillu ou conifère Un mode de vie exemplaire Les pieds bien fixés en terre Qu'il soit en groupe ou solitaire Vise les sommets pour devenir grand Sommeille l'hiver, vit au printemps Vers le soleil, cherche la lumière Toujours plus haut, toujours plus fier...