Pourrais-tu me dire mon ami à quel dernier miracle as-tu rêvé avant de revenir les deux pieds sur terre, résigné à l'obstacle? Tu l'as déjà compris le bonheur est précaire et l'avenir instable, mais je te le garantis, le déclin et la fin sont inéluctables. Donne-moi les cris, donne-moi les pleurs. Montrez-moi la vie des gens qui meurent. Sacrifiez-vous un à un pour mon bonheur. A l'occasion je vous ferai porter des fleurs. Réjouissons-nous à chaque mauvaise nouvelle comme d'une balle perdue à laquelle on réchappe. Elle nous rappelle à l'ordre et nous ramène à l'essentiel: La mort nous console quand ce n'est pas nous qu'elle frappe . Ne soyez pas honteux on peut se régaler de la moindre bassesse quand c'est le destin des malchanceux qui vient s'étaler comme une caresse. Et ce n'est pas nouveau, on ne rit jamais que de celui qui tombe tant qu'on ne se reconnait pas dans sa voix, dans ses pas, dans son ombre. Donne-moi les cris, donne-moi les pleurs. Montrez-moi la vie des gens qui meurent. Sacrifiez-vous un à un pour mon bonheur. A l'occasion je vous ferai porter des fleurs. A qui la faute? J'ai besoin du malheur des autres, de ce frisson que ça m'apporte. C'est mon poison, mon antidote. Chaque jour dans le journal je découpe les drames, ça me rassure. Je les garde dans une boîte à chaussures, des fléaux et des ruines, des accidents de voiture, les catastrophes aériennes, les mésaventures, des noyés par centaines passés par-dessus bord, les grands brûlés comme les morsures d'alligators. Si ça peut m'éviter de me lamenter sur mon sort. Je ne fais que regarder, je ne leur fait pas de tord.