Le briquet Évelyne Gallet Ça fait un an qu'on s'est pas vus Un an que tu n'es pas rev'nu Du lointain pays où tu vis Et ton courrier hebdomadaire Ne suffit pas à rendre l'air Plus supportable qu'à Roissy Là-haut, dans le ciel montagnard, Les avions filent et j'aime à croire Que l'un d'entre eux te ramènerait Avant que s'éteigne, un beau soir, Comme une dernière lueur d'espoir La petite flamme de ton briquet Je l'ai toujours à ma portée Ce briquet que tu m'as donné Dans le hall de l'aéroport Moi qui perds tout ce qu'on me donne Pas question qu'il ne m'abandonne C'est avec lui que je m'endors Comme un enfant et son nounours Je te rejoins sur la Grande Ourse Et quand la Lune disparaît Je fais briller dans la guinguette Tous les lampions des soirs de fête À la lueur de ton briquet Que veux-tu, chacun son fétiche C'est un peu la médaille du riche Mon trésor de Rackham le Rouge C'est ma modeste Toison d'or Ma minuscule Île au trésor Et le feu sacré du peau-rouge Si les gens disent "T'as pas du feu?" Je leur dis "Non!" et dans leur yeux On peut lire la réprobation Qui doit tourmenter ces braves gens Aux yeux desquels je passe tout l' temps Pour un disciple d'Harpagon J'aurais pas pensé qu'un briquet Aurait fourni un tel sujet Pour composer ces quelques mots Mais ça vaut largement les fleurs Qui n'auraient pas tenu deux heures De Roissy au Trocadéro Car on sait bien que les jardins Même arrosés par les chagrins Ne supportent pas l'eau salée Alors merci pour ce p'tit rien Qui m'a si bien chauffé les mains Et que je n' pourrai pas jeter