En quittant mon rocher, mon île déserté Je me sens comme déraciné Et mes feuilles se fanent L'automne me condamne En restant trop loin de mon pays À perdre mon temps et mes amis Loin de mon océan comme les goélands Je survole des routes souvent Et dans notre campagne traverse la Bretagne M'arrêtant tout au bord de la mer Dans un petit port du Finistère Alors sur mon rocher viennent me visiter Tant de jours autrefois oubliés Dans la vague et le vent Je revois des parents Que l'Ankou a pris depuis longtemps D'une ville engloutie ils viennent jusqu'ici Aucun d'eux ne semble avoir vieilli Je revois mon grand-père assis comme naguère Sur la cale en attente des vents Dominant les routes du Ponant Je goûte comme miel les paroles si belles Comprenant ma langue maternelle Dans un si beau voyage où l'homme n'a plus d'âge On se croit d'un pays éternel Gardien d'une terre universelle Alors sur mon rocher viennent me visiter Tant de jours autrefois oubliés Dans la vague et le vent Se raconte souvent Notre histoire ignorée des enfants Par des luttes anciennes en terre armoricaine Naissait une nation souveraine Où les armes fidèles au roi Judicaël Se levaient souvent en invoquant Le courage de nos combattants Mais lassés des conflits des guerres sans répit Nos anciens cédaient à l'ennemi Que la paix nous pardonne si notre âme bretonne Respire encore en pays conquis Aucun peuple n'est vraiment soumis Alors sur mon rocher viennent me visiter Tant de jours autrefois oubliés Dans la vague et le vent Se dessinent souvent Ces paysages qu'on aime tant Quand de Nantes à Ouessan, la verse de printemps Généreuse vient nourrir nos champs Quand la mer est sauvage tout près de nos rivages Jetant ses lames sur les brisants Qu'elle blanchit d'écume en hurlant? Quand l'ombre et la lumière effleurent nos calvaires Pour unir le soleil et la pierre Quand un beau ciel d'été brille sur nos clochers Sur les toits d'ardoise des cités À Morlaix Quimper ou Douarnenez Alors sur mon rocher viennent me visiter Tant de jours autrefois oubliés Dans la vague et le vent Des musiques souvent Me rappellent aux veillées d'antan Sur mille mélodies, j'écoute mes amis Entonner les chansons du pays Au loin sur les collines j'entends, "la Blanche Hermine" Et les voix vibrant à l'unisson Chaque fois me donnent le frisson Quand la nuit veut finir les bombardes déchirent Le silence et l'on se sent frémir Dans la chair et le cœur au rythme des sonneurs Un bonheur si fort qu'il fait danser Quand les mots manquent pour le chanter Alors sur mon rocher, je ne veux plus bouger Restant là comme un navire ancré Dans la vague et le vent Je respire à présent Ce pays dont j'ai rêvé longtemps