Les petits matins difficiles Louis Capart On a tous des petits mots qui déjà le matin nous gâchent la vie On se sent pris comme dans un étau à l'instant de quitter son lit C'est comme une maladie qui empoisonne notre existence Un jour sans le moindre rayon de soleil la moindre espérance On évite l'image d'en face et tous ces petits riens qui tracassent On retourne le miroir menteur qui fait tant de rideaux au bonheur Il se disait notre ami quand tout allait si bien dans la vie Et maintenant nous trahissent et manque et bien sûr de courtoisie On a beau dire que c'est matin Que joueront les plus grands destins On voudrait bien rester petit Caché sous les draps de son lit Surtout ne pas chercher plus loin Ce dont on n'a jamais besoin Quand on sait que tous les ennuis Commencent au pied de son lit On repeigne ses cheveux défaits comment peut-on être aussi laid On se découvre d'énormes pieds volontairement oubliés Dans de tous petits chaussons qu'on ne porte que dans sa maison On a bien peu de fierté, c'est l'envers de l'intimité Comme plongé dans notre détresse, on devient lent quand le temps presse Chaque pas nous rend la vie plus dure, le plancher danse avec les murs Dans le brouillard, la souffrance, on ne peut briser que le silence Ou la sonnerie du réveil quand on n'a pas son temps de sommeil On a beau dire que c'est matin Que joueront les plus grands destins On voudrait bien rester petit Caché sous les draps de son lit Surtout ne pas chercher plus loin Ce dont on n'a jamais besoin Quand on sait que tous les ennuis Commencent au pied de son lit On garde le choix du rituel quand vient le moment solennel De consommer d'un bon appétit son petit déjeuner servi On peut sans étonnement tacher ses plus beaux vêtements Ou bien versant son café, le boire dans le cendrier On invoque des mots d'insolence qui entament l'intelligence Mais que celui qui n'a pas fauté, par bonheur ou par vanité Vienne livrer les secrets qui feront les réveils discrets On doit pouvoir éviter de perdre toute dignité On a beau dire que c'est matin Que joueront les plus grands destins On voudrait bien rester petit Caché sous les draps de son lit Surtout ne pas chercher plus loin Ce dont on n'a jamais besoin Quand on sait que tous les ennuis Commencent au pied de son lit Ajoutons quelques derniers détails à nos malheurs, à nos batailles De ces quelques tout petits tracas qui font de la vie un combat Quand chaque chose est rebelle entre la pomme et lave-vaisselle Ou cette marche entêtée qui fait chuter dans l'escalier Alors commence un chemin de croix, un cumul d'incidents sournois Comme le vieux lacet qui se casse ou l'objet qui change de place Quand on croit ne plus souffrir quand on pense qu'on peut partir Sur la porte verrouillée on a dedans laissé les clés On a beau dire que c'est matin Que joueront les plus grands destins On voudrait bien rester petit Caché sous les draps de son lit Surtout ne pas chercher plus loin Ce dont on n'a jamais besoin Quand on sait que tous les ennuis Commencent au pied de son lit Quand on sait que tous les ennuis Commencent au pied de son lit