La veuve et l'orphelin, quoi de plus émouvant?
Un vieux copain d'école étant mort sans enfants
Abandonnant au monde une épouse épatante
J'allai rendre visite à la désespérée
Et puis, ne sachant plus où finir ma soirée
Je lui tins compagnie dans la chapelle ardente
(Oh, là, on assiste à une première scène, à mon goût
Assez cocasse, déjà parce que c'était une époque
Où les gens avaient une chapelle ardente chez eux
C't-à-dire qu'en fait, le gisant restait à demeure
Pendant 48 heures, entouré de cierges
En attendant l'inhumation, et ses proches venaient
Autour de lui, pour le pleurer et le pleurer encore
Mais au-delà d'ça, Georges, ce qui m'a marqué
C'est plutôt quand tu dis
"Et puis, ne sachant plus où finir ma soirée"
C"t-à-dire que toi, si tu n'as pas de plan B
S'il n'y a pas de match de ligue 1 à la télévision
Tu vas consoler une veuve en détresse
Alors bon, j'ai p't-être été un peu premier degré
Dans ma première lecture de c'couplet, parc'que
Sur le fond, je sais que si une femme est seule
Si une femme est triste, si une femme est en deuil
Si une femme est en détresse
Tu vas rester auprès d'elle et la réconforter)
Pour endiguer ses pleurs, pour apaiser ses maux
Je me mis à blaguer, à sortir des bons mots
Tous les moyens sont bons au médecin de l'âme
Alors, par la vertu de quelques facéties
La veuve se tenait les côtes, Dieu merci
Ainsi que des bossus tous deux nous rigolâmes
(Alors là, c'est l'expression
"Ainsi que des bossus tous deux nous rigolâmes"
Expression qui équivaut, en langage contemporain
À ptdr smiley smiley, que j'ai trouvée un p'tit peu
Fort de café dans un premier temps
Et après, j'me suis souv'nu que c'est souvent
Dans ce genre de circonstances tragiques
Qu'on peut être pris par les fous rires
Les plus incontrôlables, j'veux dire)
Ma pipe dépassait un peu de mon veston
Aimable, elle m'encouragea: "Bourrez-la donc
Qu'aucun impératif moral ne vous arrête
Si mon pauvre mari détestait le tabac
À présent la fumée ne le dérange pas
Mais où diantre ai-je mis mon porte-cigarettes?"
(Ah là, il faut quand même se souvenir
Que c'était une époque où tout le monde
Fumait partout et tout l'temps, hein
Moi il m'arrive de r'garder
De vieux épisodes de Colombo
Où il va voir un suspect à l'hôpital
Avec un énorme cigare éteint
C'est l'infirmière qui lui rallume, enfin
Non, c'était une époque où le tabac
Était vraiment bon pour la santé, hein
Les médecins le prescrivaient contre l'asthme
Le rhume des foins, et la mauvaise haleine, il paraît)
À minuit, d'une voix douce de séraphin
Elle me demanda si je n'avais pas faim
"Çela le ferait-il revenir", ajouta-t-elle
"De pousser la piété jusqu'à l'inanition
Que diriez-vous d'une frugale collation?"
Et nous fîmes un petit souper aux chandelles
(Allons bon! Là, j'vous imagine en train d'installer
Une petite table, pas très loin d'la chapelle ardente
Vous avez piqué un cierge pour vous faire une chandelle
Et puis, comme elle avait pas préparé grand-chose
Vous avez mangé une petite salade, avec un p'tit peu
De viande... enfin, de viande des Grisons, quoi)
"Regardez s'il est beau! Dirait-on point qu'il dort?
Ce n'est certes pas lui qui me donnerait tort
De noyer mon chagrin dans un flot de champagne"
Quand nous eûmes vidé le deuxième magnum
La veuve était émue, nom d'un petit bonhomme
Et son esprit se mit à battre la campagne
(Alors là, j'veux bien t'croire, j'veux bien t'croire
Parce que moi il m'arrive de faire ce genre de soirée
De temps en temps, bon, pas forcément avec un défunt
C'est vrai qu'généralement on se rend compte
Au bout de la troisième coupette, qu'on se lance déjà
Dans des discussions géopolitiques sans queue ni tête
Avec les chiites les sunnites les emplois fictifs enfin bref
Donc là, j'veux bien croire qu'avec deux magnums
C'est-à-dire deux fois un litre et demi dans l'cornet
Elle a dû bien triper, ouais)
"Mon Dieu, ce que c'est tout de même que de nous"
Soupira-t-elle, en s'asseyant sur mes genoux
Et puis, ayant collé sa lèvre sur ma lèvre
"Me voilà rassurée", fit-elle, "j'avais peur
Que sous votre moustache en tablier de sapeur
Vous ne cachiez coquettement un bec-de-lièvre"
Un tablier de sapeur, ma moustache, pensez
Cette comparaison méritait la fessée
Retroussant l'insolente avec nulle tendresse
Conscient d'accomplir, somme toute, un devoir
Mais en fermant les yeux pour ne pas trop en voir
Paf! J'abattis sur elle une main vengeresse
(Là, je dois quand même t'avouer
Que dans un premier temps
Jétais littéralement outré par ce déchaînement subit
De violence sur une femme en détresse
Et puis après j'me suis souv'nu
Qu'elle venait quand même de comparer ta moustache
À un plat de charcuterie de bouchon lyonnais, hypergras
J'ai donc réussi à m'faire à l'idée, mais vraiment à grand-peine
Que dans certaines circonstances on se doit de sévir)
"Aïe! Vous m'avez fêlé le postérieur en deux"
Se plaignit-elle, et je baissai le front, piteux
Craignant avoir frappé de façon trop brutale
Mais j'appris, par la suite, et j'en fus bien content
Que cet état de choses durait depuis longtemps
Menteuse! La fêlure était congénitale
(Non, CQFD pour moi, c'est très clair)
Quand je levai la main pour la deuxième fois
Le coeur n'y était plus, j'avais perdu la foi
D'autant qu'elle s'était enquise, la bougresse
"Aviez-vous remarqué que j'avais un beau cul?"
Et ma main vengeresse est retombée vaincue
Et le troisième coup ne fut qu'une caresse
"Aviez-vous remarqué que j'avais un beau cul?"
Et ma main vengeresse est retombée, vaincue
Et le troisième coup ne fut qu'une caresse
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