Tandis que je rappelais ce soir-là, le répondeur m'a menti Mais je connaissais le code par coeur Je l'ai composé de tête, j'ai grimpé dans l'ascenseur J'ai pris la porte entrouverte qui pénètre le couloir Sous les sarcasmes blafards d'une nuit de salpêtre On avait orné les murs d'estampes suggestives De femmes contorsionnistes et d'hommes aux torse huileux Moi que l'hiver avait rendu si frileux Je cède au vestiaire mon anorak et mon écharpe bleue Rentré plus tôt que prévu de l'intersyndicale De défense des chaises longues J'avais l'humeur fragile et des idées capitales Sur l'état des choses et du monde Le buste de l'aïeul, amiral, était recouvert pour rire D'une bonnette phrygienne, et de chaînons d'acier Sous sa moustache de marbre, il gardait son air pointu Comme savent si bien le faire les statues Et puis, oui, je m'ébahis du nombre des convives alanguis Et du mouvement des ombres qui chahutent dans la pièce Les deux folles qui pouffaient sur le lit Cessent leur jacasseries et se tordent le faciès Improbables créatures, ébats de mutants sensuels Hommes qui liment, femmes muées en d'insatiables femelles Honorables laquais, vénérables soubrettes Lutins qui, nonchalamment, miment des figures de brouette Quadras, que de faux délégués CGT aux longs fouets contestent Bobos hétéros, que de beaux apollons aux longs membres testent Nains baladeurs, aux mains calleuses et luisantes Se prosternant aux cuisses d'une basketteuse immense Soupirs de fausses pucelles, souffles de décadence Des haleines d'échangistes me suffoquent et m'ensorcellent Insolents, soumis, suants, les corps s'amoncellent S'entrechoquent et s'entremêlent dans la transe rituelle des damnés Rentré plus tôt que prévu de mes illusions pâles Et de mes ardeurs vagabondes J'avais l'humeur fragile, il fallait que je te parle De l'état des choses et du monde Le silence est affligé À ma vue tout s'arrête Hormis quelques cris de bête Dans la chambre du premier Je vois que chacun se dresse Pour te céder un passage Ta démarche est souveraine Lustres et miroirs se prosternent Tu seras toujours la plus belle Maman