Chez Jeanne, la Jeanne Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu On pourrait l'appeler l'auberge du bon Dieu S'il n'en existait déjà une La dernière où l'on peut entrer Sans frapper, sans montrer patte blanche Chez Jeanne, la Jeanne On est n'importe qui, on vient n'importe quand Et, comme par miracle, par enchantement On fait partie de la famille Dans son cœur, en s'poussant un peu Reste encore une petite place La Jeanne, la Jeanne Elle est pauvre et sa table est souvent mal servie Mais le peu qu'on y trouve assouvit pour la vie Par la façon qu'elle le donne Son pain ressemble à du gâteau Et son eau à du vin comme deux gouttes d'eau La Jeanne, la Jeanne On la paie quand on peut des prix mirobolants Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs Un semblant d'accord de guitare L'adresse d'un chat échaudé Ou d'un chien tout crotté comme pourboire La Jeanne, la Jeanne Dans ses roses et ses choux n'a pas trouvé d'enfant Qu'on aime et qu'on défend contre les quatre vents Et qu'on accroche à son corsage Et qu'on arrose avec son lait D'autres qu'elle en serait toutes chagrines Mais Jeanne, la Jeanne Ne s'en soucie pas plus que de colin-tampon Être mère de trois poulpiquets, à quoi bon Quand elle est mère universelle Quand tous les enfants de la terre De la mer et du ciel sont à elle