Le petit litre rouge de Momo sait tout
Thomas Pitiot
Dans le petit Ivry rouge, y a un gars on dirait Socrate;
Porte la barbe de cent jours, à la main une ciguë de picrate,
Il est prêt à donner des conciliabules de salive sucrée
Pour peu qu'une demoiselle le remercie d'un baiser salé.
Il a bien sûr tenté sa révolution culturelle,
Dans son quartier c'est triste, c'est plutôt l'action culturiste.
Tout le monde l'a entendu dans sa rue son histoire de fou,
Les gens disent qu'il s'agit du petit litre rouge de Momo sait tout.
Toutes ses informations, il les distille au compte à goutte de son goulot;
Il dit en avant pour le grand bond, c'est la longue marche de travers jusqu'au prochain bistrot.
Il dit qu'y a un message dans le fond de toutes les bouteilles,
Et que son bateau pirate a tout écumé et que les mers veillent.
Ouais, c'est moi, le mec en noir, aux cheveux blancs, le père Noël des anars.
J'écris pour dans deux... minutes, pour tous les petits veinards
Qui boiront mes millésimes de rimes pleines d'espoir!
J'ai tout lu mon pote moi, la politique d'Aristote, les classiques et leurs litotes.
J'ai rencontré Baudelaire, quoi j'ai pas l'air?
Je connais Lucky Luke et San Antonio, c'est pas beau?
Je touche le RMI, la rente aux métiers d'intellectuels,
Je suis une sorte de matière grise payée par l'Etat;
C'est pour ça que je suis toujours gris et rond, petit patapon, petit patapon.
Mais il faut que j'y aille, faut que je termine le discours
Que m'a commandé ton député...
Quelque part dans un square, une statue parle verlan toute seule;
Momo vient lui parler, quelquefois elle se fout de sa gueule
Il l'insulte en arabe et le monument n'articule plus rien
Car les statues toutes nues, c'est bien connu, ne parlent que le grec ancien.
Il a autour du doigt une alliance qui brille encore un petit peu;
Sur sa vieille main toute oxydée, elle lui rappelle qu'il a été bienheureux,
Qu'on l'appelait mon amour, mon papa, dix ans en arrière
Juste avant qu'on le remercie avec une dernière enveloppe, son dernier salaire.