Mey Frédérik Miscellaneous Gaspard Paroles et musique: Frédérik Mey (C) Éditions Musicales M.K. Écrammeville Capo I 1 On disait qu'il venait d'Angers, qu'il ne savait pas dire un mot Sur la place du marché il fut entouré de badauds Les uns chuchotaient "il n'est pas normal", et d'autres criaient "c'est un animal Mais qu'est-ce que vous attendez pour chasser cet idiot, pour chasser cet idiot" 2 Ses cheveux lui tombaient en mèches il se tenait recroquevillé "C'est le diable qui l'empêche de marcher le tête levée" Le curé lui tendit un pot de lait qu'il lapa bruyamment et d'un seul trait "Faudrait qu'on l'abreuve à la crèche c'est Satan incarné" 3 Mon père qui en ce temps-là était maître d'école au village Alla vers lui tendant son bras malgré les mots de l'entourage Mon père lui parla doucement, l'étranger murmura en bégayant Un nom qui sonnait par endroit comme le nom de Gaspard 4 Mon père le prit avec lui et Gaspard hésita un peu Ma mère lui lava ses habits et lui coupa les cheveux Mon père alors lui apprit à parler, à lire, à écrire et à calculer Et mon père disait de lui. "quel garçon prodigieux" 5 Près de l'école il y avait un champ de quelque cinq hectares Que la commune nous bayait, j'y travaillais avec Gaspard Comme la récolte était bonne, après les dures journées en automne Les paysans nous maudissaient quand on rentrait le soir 6 Plus tard après Noël passé, nos sorties devinrent plus rares Et puis vint ce jour de janvier étouffé d'un épais brouillard Gaspard ne rentra pas pour le repas, moi je guettais le bruit de son pas Mon père gronda excédé "mais que fait donc Gaspard" 7 On l'a trouvé au petit matin dans la neige rouge de sang Couché dans le petit chemin qui va de l'école au champ Ses yeux ne reflétaient pas la peur mais seulement une infinie stupeur Ou comme l'immense chagrin d'être haï autant 8 Un commissaire de passage enquêta fort hâtivement L'abbé fit le discours d'usage qui nous consola tous bougrement Le champ depuis est resté en jachère, les gens, leurs chiens ne nous font plus la guerre Quand je vais au village par le chemin des champs.